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Être acteur et lâcher prise, un paradoxe ?

La notion d’être acteur est un des 7 piliers du modèle MMAPPER. Elle est associée à la croyance que nous pouvons être maître de notre destin. A ne pas prendre à la lettre bien sûr. Car s’il s’agit d’apprendre à piloter notre navire, c’est en acceptant que nous ne pouvons maîtriser l’océan…

Pour ce qui est de la notion lâcher prise, de quoi s’agit-il au juste ?

Lâcher-prise est une expression dont l’origine viendrait de l’Orient. Il a été introduit en Occident dans les années 70 lorsque des occidentaux ont commencé à s’intéresser à la spiritualité orientale. Selon celle-ci, nous ne pouvons pas tout contrôler, nous ne sommes que poussière face à l’univers et nous aurions beaucoup à apprendre en se laissant porter par la vie… Or dans notre société occidentale où le culte de la performance est prépondérant, le lâcher-prise peut sembler contre-intuitif, voire paradoxal.

Et si notre capacité à lâcher prise était en fait une condition sine qua non de notre capacité à être acteur ?

Selon Paul-Henri Pion, psycho-praticien et auteur d’ouvrages sur le lâcher-prise, « lâcher-prise intervient quand nous nous rendons compte que nous sommes entrés dans une forme d’impasse et que nous persévérons à vouloir traverser le mur qui est en face de nous. Lâcher-prise, c’est monter d’un niveau, considérer la situation dans son ensemble et découvrir qu’il y a un chemin (…) qui permet de ressortir, contourner l’obstacle et reprendre le fil de sa vie. » C’est ce dont il est question quand nous parlons de prise de hauteur, condition essentielle au développement individuel et collectif.

Parfois, à trop vouloir être acteur et maîtriser notre destin, en nous sentant trop responsables, nous nous entêtons aveuglément, happés par la litanie du « Il faut que » et nous nous trouvons alors en limite d’adaptation, incapables de discerner ce qui dépend de nous de ce qui n’en dépend pas, ou encore d’aborder les choses autrement.

Cela fait écho à la notion avec la notion d’« agir par le non-agir » – wèi wù wèi – enseignée par Lao-tseu, fondateur du taoïsme. Il s’agit de ne pas forcer les choses car c’est la diminution de la crispation vers le but qui augmente la possibilité de l’atteindre.

C’est pourquoi lorsque nous accompagnons une équipe faisant partie d’un grand groupe, l’un de nos premiers objectifs est d’amener les individus et le collectif à développer leur capacité à prendre de la hauteur en acceptant que tout ne dépend pas de leur volonté, et qu’en même temps il existe une marge de manœuvre leur permettant d’aborder les choses autrement et de les vivre plus sereinement.

« Lâcher prise ne se décide pas, ne se décrète pas, c’est une qualité émergeante des conditions que nous créons. » nous dit encore Paul-Henri Pion.

En fin de compte, on ne pourrait donc lâcher prise sans être acteur, ni être acteur sans lâcher prise…